Aujourd’hui, je suis particulièrement émue de partager avec vous le témoignage d’Emma. Pourquoi ? Parce qu’Emma fait partie de mes toutes premières clientes.
C’était en 2019, au tout début de l’aventure Transbeauté. Depuis, elle a parcouru un chemin incroyable, et c’est une fierté pour moi de l’avoir accompagnée, ne serait-ce qu’un instant, dans sa quête de féminité.( oui oui sa photo de 2019 est dans l album !)
Son témoignage vient clôturer une série de récits profondément humains et inspirants, après ceux de Claude, Julie, et une autre Emma.
Quatre histoires, quatre parcours, quatre voix qui nous rappellent que la transidentité est plurielle, mais que la recherche d’authenticité est universelle.

Ton parcours en quelques mots
Peux-tu nous raconter ce qui t’a menée à entreprendre ta transition ? Y a-t-il eu un moment où tu t’es dit : « Ok, c’est maintenant, je me lance ! » ?
Bonjour, je m’appelle Emmanuelle, j’ai 52 ans, je suis mariée depuis plus de 26 ans, et j’ai 4 enfants.
Je suis également une ancienne ingénieure en développement logiciel, reconvertie en responsable qualité du groupe.
Depuis aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé me travestir. Je me sentais bien habillée en fille, je ressentais un apaisement, et malgré toutes mes tentatives pour arrêter et rentrer dans le rang, ça m’a suivie toute ma vie.
Et puis, en 2018, j’ai accompagné des copines à Manchester au festival Sparkles. Pour la première fois de ma vie, j’ai vécu 4 jours non-stop en femme. Cette expérience m’a profondément bouleversée. En rentrant en France, j’ai compris que j’avais marqué un tournant dans ma vie. J’ai même été jusqu’à voir une psychologue pour retrouver le pseudo-équilibre qui régissait ma vie avant. Sa dernière phrase a résonné dans ma tête comme une sentence, le début de la fin : « Il est peut-être temps de vous assumer maintenant. » J’ai mis 2 mois à ressasser cette phrase et à l’accepter.
Je suis arrivée à la conclusion qu’il fallait que je trouve une solution et que je ne tiendrais pas beaucoup plus longtemps.
Ma grande question était de déterminer ce qui était le mieux pour mes enfants : avoir un papa ayant une apparence quelque peu changée, ou ne plus avoir de papa du tout…
3 mois plus tard, j’avais mon premier RDV avec une psychiatre pour éventuellement aller plus loin.

Le regard de tes proches
Comment ta famille et tes amis ont réagi en découvrant ta décision de faire une transition ? As-tu été soutenue ?
Au bout de 20 ans de mariage, annoncer une transition de genre à son épouse s’apparente à un tsunami. Elle l’a très mal vécu, et il lui a fallu plusieurs années pour me retrouver et récupérer une certaine sérénité.
Mes enfants l’ont bien pris. Ils étaient respectivement âgés de 20, 16, 12 et 8 ans au moment de la décision. Les 2 grands s’y étaient préparés. Ils me connaissaient et ils n’ont pas été choqués outre mesure. Pour les 2 derniers, c’était plus délicat. Avec Anne, nous avions peur qu’ils paniquent, et qu’ils en souffrent à l’école. Il a fallu leur parler avec des mots à leur portée pour les rassurer.
Bien plus tard, ils nous ont expliqué que leur principale crainte n’était, finalement, pas ma transition, mais qu’on se sépare.
À part la réaction d’Anne qui a été très dure, elle a vu toute sa vie, son futur, s’écrouler, le reste de la famille, nos amis, collègues ont très bien pris l’information.
Mes parents, mes beaux-parents se sont très bien adaptés, les amis de nos enfants, plutôt que de les rejeter, les ont accompagnés et rassurés en leur disant que je resterais toujours leur père quoiqu’il arrive, et que tout se passerait bien.
J’ai été plus qu’impressionnée par la maturité de ces enfants de 8 et 12 ans. Les maîtresses ont également été très présentes pour aider la dernière à gérer et faire en sorte que ça se passe le mieux possible.

Évolution de tes relations sociales
Au début de ta transition, pendant et maintenant (si elle est finie), comment ont évolué tes relations amicales et sociales ? Y a-t-il eu des surprises, bonnes ou mauvaises ? Un tri « naturel » s’est-il fait autour de toi ?
J’ai énormément changé socialement avec ma transition. J’étais un garçon renfermé sur moi-même, obnubilé par mon mal-être. Je suis devenue une femme souriante, plus avenante, et à l’écoute des autres. Mon cercle d’amis est devenu majoritairement féminin.
Au cours de ma transition, je n’ai perdu qu’une seule personne, un de mes frères, mais le contexte familial fait que, même si ma transition est un prétexte, le climat familial était explosif bien avant. D’autres personnes se sont certainement éloignées à cause de ma transidentité, mais elles ont eu la décence de le faire en silence, et un tri naturel s’est donc opéré sans heurts.
Globalement, avec ma transition, je me suis ouverte socialement, et mes relations sont devenues plus riches, plus profondes avec des amitiés incroyables qui se sont créées. J’ai appris à connaître des personnes formidables, dans et hors le milieu LGBTQ et ma vie est devenue infiniment plus épanouissante.
Ton expérience dans le milieu professionnel
Comment ton environnement de travail a-t-il accueilli ta transition ?
À mon travail, l’annonce a été très bien accueillie. Mon patron de l’époque a même pris la parole pour dire que la direction soutenait ma démarche et qu’aucun mot ou geste déplacé ne serait toléré. Un an après, il m’a même dit qu’il avait constaté les bienfaits de ma transition, que mon bien-être se voyait dans mon attitude au travail et mon efficacité.
Depuis, j’ai pris des responsabilités, gravi des échelons, et je n’ai vraiment pas l’impression que ma transition ait nui à ma carrière.
Et, par rapport à mes collègues, depuis ma transition j’ai été réélue deux fois déléguée du personnel à l’unanimité. Donc mes changements n’ont clairement pas été un problème pour mon entourage professionnel.
Ma transition a été l’occasion de découvrir les différences de traitement entre hommes et femmes dans l’entreprise. Et on me confie beaucoup plus de tâches en parallèle qu’avant. Ma charge mentale au travail a été très fortement augmentée.

Affirmation de soi et communication
As-tu rencontré des difficultés pour parler de ta transition aux autres ? Y a-t-il des astuces à partager qui t’ont aidée ?
J’ai toujours parlé de ma transition avec sincérité et ouverture. J’ai même ouvert et alimente encore une page Instagram dans laquelle je raconte ma vie transidentitaire.
J’y parle de mes moments de joie, de peine, des bonheurs, des difficultés, bref, tout ce qui peut affecter la vie d’une personne transgenre.
Au début de ma transition, j’avais une image très noire, très négative de la transition.
Je l’assimilais à une descente aux enfers dans laquelle on perd tout et on apprend à se reconstruire dans la douleur. J’ai voulu communiquer pour montrer que ce n’était pas nécessairement le cas, qu’une transition est avant tout un épanouissement de soi.
En 2024, ma famille s’est même prêtée au jeu et a participé à une émission sur M6 avec moi. Nous parlons désormais très facilement et sans tabou de notre situation.
Moments de solitude et résilience
A-t-il eu des périodes où tu t’es sentie seule ou incomprise ? Si oui, qu’est-ce qui t’a aidée à garder le cap et à retrouver de la force ?
Le début de ma transition a été très compliqué.
L’incompréhension d’Anne et ses réactions violentes ont été difficiles à vivre.
Face à ses attaques, j’ai souvent perdu la force, le courage, de lutter et d’essayer de me justifier, d’expliquer mes choix ou réactions.
J’ai eu beaucoup de mal à me comprendre moi-même au début, à savoir où j’allais, ou comment y arriver. Les deux premières années ont été parsemées de nombreux moments d’errance morale, de doutes et de peur.
Tout cela a fait que j’avais du mal à m’exprimer auprès d’Anne, lui expliquer ce que je ressentais et répondre à ses questions. Et quand j’avais l’impression d’y arriver, je me rendais compte qu’elle n’avait pas compris ou n’était pas encore en mesure de comprendre, et il a fallu recommencer encore et encore.
La communication entre nous a été primordiale, et je pense que ce qui nous a sauvées toutes les deux est que nous avons su nous écouter mutuellement malgré tout.
L’Amour a fait que nous nous sommes accrochées à nos conversations mouvementées pour débroussailler comme on pouvait.
L’hormonothérapie et ses effets
Si tu as suivi une hormonothérapie, comment l’as-tu vécue ? Quels effets physiques et émotionnels t’ont le plus marquée ?
Il faut du temps pour que les hormones fassent effet. En tout cas, physiquement. Sur le plan psychologique, ça a été quasiment instantané.
Je me souviens que j’ai pris mes premières pressions d’œstrogène un mardi et que 3 jours plus tard, le vendredi, en préparant les enfants le matin, j’ai réalisé que cette boule au ventre que je traînais depuis toute petite avait disparu. Je me suis sentie d’une légèreté incroyable, libérée d’un poids immense, d’un seul coup !
Les effets secondaires ont commencé un mois plus tard avec les seins qui ont commencé à faire mal. Je n’avais pas encore commencé à en discuter avec qui que ce soit, et j’ai commencé à avoir très peur que ma poussée mammaire se voie. J’ai eu tellement peur que j’ai fait des crises d’angoisse assez terribles.
Je ne saurais pas dire si c’est l’hormonothérapie ou si c’est la libération que je ressens qui fait que je suis devenue beaucoup plus sensible.
Moi qui me croyais invincible, un mur protecteur autour de mon cœur, je suis devenue hypersensible, à pleurer comme une madeleine à la moindre occasion ! 😀

Transformations physiques et bien-être
Quelles transformations physiques (hormonales, chirurgicales ou esthétiques) ont été importantes pour toi ? Comment ces changements ont-ils influencé ton bien-être et ton rapport à toi-même ?
Pour beaucoup de filles trans, le plus important est la vaginoplastie. Elles se tournent dès le début vers cette chirurgie. Pour d’autres, c’est l’augmentation mammaire. Pour moi, ma priorité était de stabiliser mon traitement et d’arriver le plus rapidement à un équilibre.
J’ai essayé plusieurs traitements hormonaux avec mon endocrinologue, et ça s’est terminé par une orchidectomie salvatrice.
Sont arrivées bien après une augmentation mammaire et une réduction de la pomme d’Adam, points sensibles et sources de complexes pour moi.
J’ai longtemps envisagé le visage, et finalement, je me contente de ce que j’ai. Je me sens bien dans ma peau et ne ressens pas le besoin d’aller plus loin.
Une étape très très importante pour moi a été l’orthophonie. Ça a été long et pénible mais ça m’a évité l’opération des cordes vocales et me permet de continuer à chanter en chorale ou en solo. Je n’imaginais pas le reste de ma vie sans pouvoir chanter.
Soutien et ressources précieuses
Y a-t-il des livres, des groupes, des assos ou des pros qui t’ont été d’une aide précieuse ? Si oui, quels sont-ils ?
Au bout de deux mois de traitement hormonal, j’ai ressenti le besoin de parler avec quelqu’un, de trouver des confidents.
J’ai trouvé refuge auprès de deux collègues au travail, et elles ont été un soutien incroyable pendant toutes mes périodes compliquées. Je n’aurais jamais pu m’en sortir sans elles. Je leur dois tellement.
J’ai également trouvé énormément de soutien et d’aide auprès de mon orthophoniste, Mariela, que j’embrasse très fort.
Depuis 3 ans, je suis également suivie par une endocrinologue géniale à Paris. Elle a un regard très ouvert et moteur sur la transidentité. Mon endocrinologue précédent m’avait fait pleurer plusieurs fois en sortant de son cabinet, alors qu’avec elle je me sens en confiance et rassurée.
Donc, le conseil que je donne généralement est de bien s’entourer, de trouver une personne confidente à laquelle on peut se confier et qui saura nous écouter.
Et de faire confiance au corps médical. On veut tout, tout de suite, mais ce n’est pas raisonnable.
Ton regard sur l’avenir
Comment imagines-tu la suite de ton parcours après ta transition ? Quelles sont tes aspirations pour ton bien-être, tes relations, tes projets ?
Je n’imagine pas la fin de ma transition.
Je suis et je resterai à jamais une femme transgenre. Et pendant toute ma vie, ça me collera à la peau. J’ai appris à l’accepter, et ça ne dérange personne. J’ai compris que l’entourage est plus perturbé par le fait qu’on soit mal à l’aise qu’autre chose. Alors si on se sent bien, le monde nous suit.
Pour le moment, mon projet est tout simplement de profiter de la vie. J’ai quelques projets en cours, mais je ne vis pas pour ça. Je profite de ma famille, je travaille beaucoup, je croque la vie à pleines dents.
Si on me propose des projets, d’aider, j’accepte volontiers pour aider et communiquer sur le fait que la transidentité ce n’est pas que ce qu’on voit sur Internet.
C’est aussi des personnes dans l’ombre, comme moi, qui avons une vie tout à fait classique, banale, mais heureuse et libérée.
Un message pour celles et ceux qui hésitent encore
Si tu pouvais dire quelque chose à une personne qui se pose des questions sur sa transition, ce serait quoi ? (Un conseil, une phrase inspirante, une punchline, on prend tout !)
« Écoute, mais pas trop !!
Si j’ai un conseil à donner, c’est d’écouter. S’écouter soi-même, mais aussi écouter les autres.
On vit en société et on a besoin des autres. Ils ont un regard sur nous qui va forcément nous influencer. Ils vont vouloir nous freiner, refuser le changement, et ça peut être une bonne chose. Quand on s’écoute trop, on veut aller trop vite, et ce frein nous permet de prendre le temps de s’accepter. On veut tout, tout de suite, mais le corps et l’esprit ont parfois du mal à suivre.
Alors, écoute-toi, mais pas trop. Écoute les autres, mais apprends à prendre du recul pour te recentrer sur toi et tes besoins.
Et le petit mantra que je me répète tous les jours : « Carpe diem« . C’est bête, simple, mais ça permet de se libérer de beaucoup de choses et d’accepter la vie.
le mot de la fin par Jennifer
Merci Emma, pour ce témoignage vibrant de sincérité et d’humanité.
Tu nous rappelles que chaque parcours est unique, mais que la quête de vérité, elle, est universelle. Ta voix, résonne comme une invitation à s’écouter, à ralentir… et à s’aimer.
Et encore merci aussi à Claude, Julie, et la première Emma. Vos témoignages sont bien plus que de simples récits : ce sont des boussoles. Vous avez mis des mots sur des émotions, des étapes, des questionnements que beaucoup vivent en silence. Et pour cela, je vous suis infiniment reconnaissante.
Je suis fière de vous connaître, fière d’avoir croisé vos chemins et d’avoir pu, ne serait-ce qu’un peu, vous accompagner dans votre processus de transformation. Vous êtes la preuve vivante que la féminité n’est pas une norme, mais un chemin. Le vôtre.
À toi qui lis ces lignes… Si tu t’es reconnue dans leurs parcours, si tu ressens au fond de toi cette même envie d’oser, de comprendre ou de te révéler, sache que tu es la bienvenue. Transbeauté est là pour t’écouter, t’accueillir et peut-être, t’aider à faire tes tout premiers pas vers toi-même.
💖 Je t’attends.
Jennifer





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Merci pour ce témoignage . Quelle belle énergie dans ce qui est écrit.
Merci ! <3