
Ăpisode 3/3 :
Vous voulez savoir comment ça se passe lorsque l’on participe aux « dĂźners de Charly » ? July nous offre son retour d’expĂ©rience. Un retour qui correspond assez fidĂšlement aux tĂ©moignages d’autres participantes que j’ai accompagnĂ©es ou entendues ainsi Ă ce que j’ai pu observer.
Dernier épisode par July
« A Paris en robe de soirée et robe de soirée talons hauts
Tenue de soirĂ©e, maquillage au top : merci Jennifer ! En avant vers mon premier dĂźner de Charly. J’ai rĂ©servĂ© un parking assez tĂŽt dans le quartier pour ĂȘtre sĂ»r de ne pas perdre de temps Ă me garer. Le parking est Ă environ 500m du CafĂ© Marcel
Je viens de me garer. Une grande Ă©motion monte en moi. Je prends mon cabas, mon sac Ă main et câest parti. Tout Ă coup, je ne sais pas pourquoi, mais aprĂšs 10mn, je rebrousse chemin et retourne Ă la voiture. LâintensitĂ© de lâĂ©motion peut-ĂȘtre, je reprends ma respiration, patiente quelques minutes et câest reparti. Mes talons qui claquent dans le parking, jâadore ce son. Le couloir me paraĂźt interminable, plusieurs portes et me voilĂ , dans Paris, en robe de soirĂ©e et escarpins talons hauts.
Je croise de nombreux passants, mais clairement personne ne me calcule. Je trace mon chemin vers le cafĂ© Marcel. ArrivĂ©e devant la brasserie, les voix des personnes devant, en train de fumer m’indiquent que je suis au bon endroit.
Bienveillance et des compliments
Charly mâaccueille chaleureusement et mâexplique briĂšvement la soirĂ©e. Le lieu est privatisĂ© pour lâoccasion, il faut ĂȘtre dans la liste d’invitĂ©s. La liste est faite en toute discrĂ©tion, Ă partir des pseudos Facebook utilisĂ©s lors de nos Ă©changes en ligne. Plusieurs salles au rez-de-chaussĂ©e et en sous-sol. Un grand espace permet Ă certaines de peaufiner leur tenue, maquillage. On peut entreposer des affaires et des vestes au sous-sol. Le programme : cocktail, boisson, repas, musique, photo de groupe prĂ©vue Ă minuit, fin de la soirĂ©e Ă 1h.
Ma timiditĂ© est Ă son Ćuvre, et lâĂ©motion me fait monter de grosses bouffĂ©es de chaleur. Je mâassois dans un coin, seule, en observant et en essayant de m’imprĂ©gner de lâambiance de la soirĂ©e, mais jâai beaucoup de mal Ă rĂ©aliser ce que je vis et Ă lĂącher prise.
Se lĂącherâŠ
Plusieurs petits groupes se forment, visiblement pas mal se connaissent déjà .
Direction le bar, le personnel et les propriĂ©taires sont adorables. Ils mâencouragent tous Ă me lĂącher, que câest la soirĂ©e pour, quâon est lĂ pour ça. Un petit groupe de personnes mâentend discuter et mâinvite Ă les rejoindre. Toutes mes excuses dâavance si lâune dâentre elles parcourt ce rĂ©cit, jâai leurs visages ancrĂ©s dans ma mĂ©moire, leur gentillesse, mais je ne me souviens dâaucun de leurs prĂ©noms. Ils se prĂ©sentent et m’invitent Ă en faire de mĂȘme. Je leur avoue que câest une grande premiĂšre pour moi, elles me fĂ©licitent et mâencouragent. Je suis dĂ©jĂ fĂ©licitĂ© pour la rĂ©ussite de ma transformation, maquillage et tenue. Pour ça, je n’hĂ©site pas Ă mettre en avant le travail de Jennifer, je nây suis pas pour grand-chose en rĂ©alitĂ©.
Partage d’expĂ©riences : du travestissement occasionnel au parcours transidentitaire et mixitĂ©
Je constate que Jennifer avait raison. Dans cette soirée, il y a de la place pour toutes. Rien que dans ce petit groupe, il y a :
– Une personne de plus de 70 ans, trĂšs classe, qui ne fait pas son Ăąge, sâhabille en femme occasionnellement depuis des dĂ©cennies. MariĂ©e, sa femme est Ă lâaise avec ça, mĂȘme si elle ne veut pas trop quâelles sortent ensemble.
– Son amie, Ă cĂŽtĂ© dâelle est un peu plus jeune, a le mĂȘme profil. Elles me racontent la chance que lâon a, de nos jours, avec la vente en ligne, les rĂ©seaux sociaux pour exprimer sa fĂ©minitĂ©. Quand elles ont commencĂ© Ă vouloir se transformer, les rĂ©seaux sociaux, câĂ©tait le minitel et pour trouver des chaussures femme en 42, câĂ©tait les catalogues par correspondance de magasins allemands ! Câest vrai que je nâĂ©tais pas conscient de ça.
StratagĂšme digne dâun film de Jason BOURNE
– une autre convive, raconte quâelle a dĂ» organiser tout un stratagĂšme complexe pour pouvoir venir ce soir. En couple dans une famille dans laquelle la virilitĂ© de lâhomme patriarcal est importante. Il ne se voit pas avouer quoique ce soit Ă sa famille. Sa femme nâest pas au courant donc, il est censĂ© ĂȘtre en dĂ©placement professionnel, mais comme sa femme commence Ă avoir des doutes sur ses absences soupçonnant une aventure extraconjugale, il doit lui fournir des preuves de ses dĂ©placements. Je nâen dirai pas plus pour prĂ©server son anonymat, mais la complexitĂ© de ce quâil parvient Ă mettre en place pour ĂȘtre prĂ©sente ce soir est digne dâun film Jason Bourne.
Elles semblent ĂȘtre un couple Ă©panoui
– Un couple qui vient de la mĂȘme rĂ©gion que moi. Elle est trans : homme â femme (MTF) en cours de transition et sa femme lâaccompagne et la soutient dans sa dĂ©marche. Quand elles se sont connues, il Ă©tait encore homme. Nous discutons pas mal avec sa femme, trĂšs attentionnĂ©e, je suis persuadĂ© de lâavoir dĂ©jĂ vue en tant quâhomme, mais je ne me souviens plus oĂč, ça mâeffraye un peu. Elles semblent ĂȘtre un couple Ă©panoui, heureuses. Ăa fait vraiment plaisir Ă voir.
… »Ce ne sont pas : une perruque, des talons hauts et une paire de collants qui vont se mettre en travers de mon amour pour toi. »
Jâai un peu chaud et je crains de trop transpirer et que mon maquillage ne me lĂąche. Je me dirige vers le sous-sol, j’ai remarquĂ© quâil Ă©tait climatisĂ©. Je mâassois un peu, je nâai pas lâhabitude dâĂȘtre aussi longtemps montĂ© sur 10cm de talon. Pour le moment ça va, mais jâanticipe.
Une nouvelle personne vient Ă ma rencontre et se prĂ©sente, me raconte son parcours. Elle est en transition depuis plusieurs annĂ©es, me demande de lui raconter mon parcours. Elle est trĂšs Ă©motive, il paraĂźt que ce sont les hormones. Elle me dit la chance que jâai dâavoir une femme ouverte qui me laisse exprimer cette partie de ma personnalitĂ©. Je lui explique quâun jour, ma femme mâa dit : âce nâest pas une perruque, des talons hauts et une paire de collants qui vont se mettre en travers de mon amour pour toi.â Une larme coule de ses yeux et elle m’enlace
Jennifer avait prévenu
La partie restauration se met en place, nous nous asseyons par petits groupes, nous sommes rejoints par 3 autres personnes.
Lâune semble avoir un profil auquel je m’identifie : Ă lâaise dans sa vie dâhomme, mais avec ce besoin, comme moi, dâĂȘtre une femme occasionnellement. MariĂ©e, sa femme Ă©tait au courant avant quâils ne se sĂ©parent (apparemment la sĂ©paration nâest pas en rapport avec sa fĂ©minitĂ©), de grands enfants indĂ©pendants, qui ne sont pas au courant. Elle ne veut pas casser lâimage du papa. Elle a beaucoup plus dâexpĂ©rience que moi, dâailleurs, je prends ses conseils. Apparemment, il me faudrait une perruque un peu plus longue, que je n’hĂ©site pas les couleurs dans mes tenues (ça, Jennifer me lâavait dĂ©jĂ dit). Câest notĂ©.
ProblÚmes techniques, sorties, contrÎle de Police : la soirée continue
Je reçois encore des compliments pour mon maquillage, les sourcils, la mise en valeur de mes yeux⊠Encore merci Jennifer. Toutes, me partagent des expĂ©riences, situations particuliĂšres vĂ©cues lors de sorties, contrĂŽles de police, rencontres avec des personnes quâils connaissaient, reconnues ou non, problĂšmes techniques, avec perruques, accessoires, ⊠Câest parfois amusant, parfois je prends des conseils au cas oĂč ça mâarriverait.
Le dĂźner suit son cours, toujours avec dâautres rencontres enrichissantes. Je sens, avec lâavancĂ©e de la soirĂ©e, peut-ĂȘtre un peu lâalcool aussi, que certain(e)s se libĂšrent. PassĂ© minuit, certain(e)s se rapprochent un peu plus, les esprits sâouvrent. On « m’approche », trĂšs respectueusement, mais ce nâest pas ce que je suis venue chercher. Pas dâinsistance, on discute un peu et la soirĂ©e se poursuit.
Charly fera une photo de groupe (je nâai pas fait gaffe, je discutais et on Ă©tait nombreuses, on ne me voit pas dessus). La soirĂ©e se poursuit en musique, mais lĂ , la fatigue et mes pieds commencent Ă avoir raison de moi. Je vis un super moment, mais il faut savoir rester raisonnable et penser Ă reprendre la route vers lâhĂŽtel.
Tout a une fin : journée mémorable et émotions fortes
Je pars saluer les personnes que jâai rencontrĂ©es qui sont encore lĂ , en particulier Charly, pour lâorganisation de cette soirĂ©e, sa bienveillance et surtout, Jennifer, sans qui tout ça nâaurait pas Ă©tĂ© possible. Je la remercie pour son talent, son professionnalisme, mais aussi ses attentions, sa confiance, et de mâavoir ouverte Ă des rencontres comme celles que jâai faites ce soir.
Je repars, lâĂ©motion est forte, des petites larmes aux yeux, mais le maquillage de Jennifer est Ă toute Ă©preuve ! Mes pieds me rappellent que câest la premiĂšre fois que je passe autant de temps en talons hauts, jâaurais dĂ» prendre des chaussures plates pour le retour jusquâau parking. Sur le chemin du retour, je croise encore des gens qui ne me calculent pas plus quâĂ lâallĂ©e. Pourtant, ma dĂ©marche avec les pieds qui hurlent, malgrĂ© mes efforts, doit forcĂ©ment me trahir.
Retour Ă l’hĂŽtel. Vient le moment de mettre fin Ă cette journĂ©e mĂ©morable, je nâai pas envie mais il le faut. Je commence Ă me dĂ©maquiller, et je reconfirme que le maquillage de Jennifer tient trĂšs trĂšs bien. Il mâaurait juste manquĂ© une retouche de poudre ou de blush pendant la soirĂ©e, mais elle mâavait prĂ©venue, et absorbĂ©e dans la soirĂ©e, je ne lâavais pas fait. Mes yeux Ă©taient encore nickel, mĂȘme le rouge Ă lĂšvres a tenu toute la soirĂ©e, malgrĂ© le repas et les boissons. Du coup, jâavoue, jâai un peu galĂ©rĂ© Ă tout enlever.
Jennifer : une dealeuse ???
Je ne sais pas comment remercier Jennifer Ă la hauteur de lâĂ©motion que jâai vĂ©cue aujourd’hui. Je me suis senti dans mon Ă©lĂ©ment ce soir. EntourĂ©e de personnalitĂ©s diffĂ©rentes. Cette soirĂ©e m’a permis de sentir que je nâĂ©tais pas anormale. Dâautres personnes vivent des choses similaires et le vivent plus ou moins pleinement. Certaines mâont prĂ©venu : âattention, câest une drogue ! »
Autre chose : le fait de rencontrer plein de personnalitĂ©s diffĂ©rentes, permet de faire un peu le point sur ce que lâon est, oĂč on en est, et aussi ce que lâon nâest pas.
Pour une premiĂšre fois, câĂ©tait vraiment un moment magique, jâai le sentiment que toutes les personnes ouvertes et respectueuses peuvent y trouver une place quels que soient leur parcours et leur chemin dans la transidentitĂ©. De plus accompagnĂ©e par Jennifer, câest beaucoup moins difficile !
Le mot de la fin
Par Jennifer
Un grand Merci Ă July pour son tĂ©moignage sur le « dĂźner de Charly ». Tout est dit ! . Ă chaque fois mon objectif est de vous accompagner dans votre dĂ©sir d’ĂȘtre celle que vous voulez ĂȘtre. Les sorties sont un important moment de « socialisation ». Vous apprenez Ă piloter une nouvelle apparence, Ă mettre en place des codes auxquels vous n’avez jamais Ă©tĂ© confrontĂ©s. Mon conseil : sortez. Plusieurs articles dans mon blog vous donnent des pistes. En plus, un nouveau dossier sur « sortir Ă Paris en 2023 quand on est transgenre et travesti est en prĂ©paration ».
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Jennifer, un trĂšs grand merci de partager le tĂ©moignage de July. Je suis frappĂ©e par la similitude des Ă©motions vĂ©cues par July et ce que je ressens lorsque je me revĂšle en femme. C’est trĂšs rĂ©confortant. Mille mercis !
Merci beaucoup , et surtout merci Ă July. Bonne lecture pour les autres billets ! Jennifer
Bonjour July,
Câest avec beaucoup dâĂ©motions que jâai parcouru tes aventures pour ta sortie passing en 3 Ă©pisodes. Je te fĂ©licite pour ton courage et ta fĂ©minitĂ© te va Ă ravir.
Jâaimerais Ă©galement pouvoir mettre Ă profit le peu de fois oĂč je me suis maquillĂ© et tester mon passing. Mais lĂ , je ne rivalise pas encore avec Jennifer.
Bravo Ă toutes les 2
Bises
Jade